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Être adulte et autiste non-diag en Belgique

Ce dossier, entrecoupé de témoignages personnels, permet de rendre compte sur ce qu’est, être adulte autiste en Belgique, si vous n’avez pas eu de diagnostic durant l’enfance.

Pas de diagnostic précoce

Quand on se pose la question à l’adolescence ou à l’âge adulte de si on est autiste, ou qu’on en parle autour de soi, une question revient souvent : “mais enfin, on aurait vu quelque chose quand t’étais enfant !”. En effet, l’autisme est souvent représenté chez les enfants. C’est que l’autisme a d’abord été décrit et défini comme un trouble infantile. Les connaissances sur l’évolution à l’âge adulte traînent un peu, tandis que les diagnostics pour les enfants sont possibles de plus en plus tôt.

Alors, pourquoi sommes-nous autant à nous rendre compte que nous sommes autistes à 18, 25, 35 ou même 50 ans (et plus) ? Sommes-nous “moins” autistes ? Pourquoi n’avons-nous pas été repéréEs dans l’enfance ?

Le manque de connaissances justes sur l’autisme

L’autisme est une condition encore mal connue et mal comprise. Les définitions ont peu évolué depuis les premières descriptions retenues, dans les années 1940, la perspective des personnes autistes ne commence que récemment à être prise en compte dans les recherches, et les théories psychanalytiques sur l’autisme ont été très influentes particulièrement en France et en Belgique. La psychanalyse est responsable d’un véritable retard de connaissances et d’une mauvaise prise en charge de l’autisme en France et en Belgique. Parfois, on se dit que dans ce contexte-là, il vaut mieux ne pas avoir été reconnu autiste plus tôt !

Enfin, l’autisme dit Asperger, qui désignait des personnes autistes sans déficience intellectuelle et surtout sans retard de langage et oralisantes, donc pouvant passer plus inaperçues dans l’enfance, n’est distingué que depuis les années 90. Pendant longtemps, on a continué à croire que l’autisme était une condition rare, et principalement masculine et blanche – alors qu’elle concerne en réalité entre plus d’1% de la population. Les représentations médiatiques et fictionnelles de l’autisme ont aussi contribué à figer une certaine idée de l’autisme – par exemple le film Rain Man, qui assimile le syndrome du génie à l’autisme, alors que ce sont deux choses différentes.

Bref, d’un côté, on a peu de professionnelLEs de la santé forméEs à l’autisme, des connaissances biaisées et insuffisantes de l’autisme, une méconnaissance totale du phénomène du masking ou camouflage, et de l’autre, on a des cultures scolaires et familiales pas forcément propices à aider les enfants différents. 

Des signes interprétés différemment

Je suis de 1994, enfant verbal et sans aucun trouble de l’apprentissage. On a toujours mis mes hypersensibilités sur des « caprices » et mes lacunes sociales sur le dos de la « timidité ». Je me souviens surtout qu’on m’engueulait très souvent sans que je comprenne pourquoi, et que rien ne changeait malgré tous mes efforts. Déjà à mes 5 ans j’avais des idées suicidaires car je ne me sentais pas à ma place dans ce monde…

Moon, 28 ans

Ne pas avoir été diagnostiquéE dans l’enfance, ça ne signifie pas qu’on ne montrait pas déjà des signes d’autisme. Crise au moindre changement, préférence pour la solitude ou amitiés fusionnelles, tendance à corriger tout le monde, sujets d’intérêt envahissants, hypersélectivité alimentaire et plaintes constantes face aux vêtements qui grattent ou aux bruits dérangeants, épuisement après les journées d’école, tendance à tout aligner et classer… la liste des signes potentiels serait longue. CertainEs d’entre nous étaient même non-verbaux jusqu’à un âge avancé, avaient des gros problèmes de comportement, ou ont été traînéEs de pédiatre en psychologue sans que le diagnostic adéquat puisse être posé.

Mais selon les modèles éducatifs, les générations, les cultures familiales spécifiques, on ne s’inquiète pas forcément des signes, pas même ceux qui indiquent que l’enfant est en souffrance ou différent. Dans des familles à l’éducation sévère, les besoins de l’enfant seront interprétés comme des caprices et il ou elle apprendra à taire ses difficultés et masquer pour survivre. Dans des familles acceptantes, on peut chercher à répondre aux besoins de l’enfant sans avoir forcément besoin de mettre un mot sur son fonctionnement atypique – parfois, les parents sont elleux-mêmes autistes sans le savoir et ne voient rien d’anormal chez leur enfant. Et puis, entre les déménagements, les divorces, les accidents, la multiculturalité, ou encore la sensibilité ou l’originalité “de famille”, on peut toujours trouver des raisons d’expliquer un comportement atypique chez un enfant sans penser tout de suite à l’autisme ! 

À l’école non plus, on ne s’inquiète pas forcément de tous les enfants. De nombreuses difficultés peuvent être vues comme de la mauvaise volonté, de l’insolence, être “mal élevéE”, ou à l’inverse juste de la timidité. En particulier les petites filles calmes et souvent bonnes élèves passent sous le radar, même quand elles montrent des signes d’anxiété… 

Certains enfants autistes passent un bilan intellectuel et sont déclarés “haut potentiel”, ce qui leur vaudra parfois des