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Tous en bleu pour le 2 avril ? En fait non, et on vous explique pourquoi

Le 2 avril, c’est la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Chaque année, de nombreuses actions sont menées pour donner de la visibilité aux difficultés que vivent les personnes autistes et informer le grand public sur ce qu’est l’autisme. Cette journée, et plus largement tout le mois d’avril, sont censés être pour nous. Mais souvent, les initiatives et prises de parole liées au 2 avril nous desservent : des associations qui ont une vision validiste* de l’autisme occupent le terrain, et on entend davantage les soignantEs et les parents non-autistes que les personnes autistes elles-mêmes.

Comment s’y retrouver dans toute l’agitation autour du 2 avril ? Faut-il afficher du bleu et ajouter un motif puzzle à sa photo de profil sur les réseaux sociaux ? Comment mieux soutenir les personnes autistes en avril ? (et tout le reste de l’année)

(les mots suivis d’une astérisque sont définis dans notre lexique)

Rouge et or – ou n’importe quelle couleur – plutôt que bleu

Les campagnes d’ »éclairage en bleu pour l’autisme » ont été lancées par l’association américaine Autism Speaks, une association très néfaste pour les personnes autistes, qui porte des valeurs validistes et racistes. De plus, le bleu a été choisi pour représenter le fait que plus de garçons que de filles sont autistes. Or non seulement ça n’a aucun sens d’associer une couleur à un genre, mais on sait aujourd’hui que l’autisme touche tous les genres, c’est juste moins bien diagnostiqué chez les personnes qui ne sont pas des petits garçons blancs. Le bleu a aussi été avancé comme couleur de l’autisme parce que, couleur froide, il rappellerait la supposée froideur émotionnelle et le manque d’empathie des autistes… ça ne donne pas très envie de l’afficher, non ?

Bien sûr, ça n’empêche pas d’aimer individuellement le bleu, couleur douce et apaisante préférée d’une majorité d’humains dans notre société occidentale moderne. Mais mettre en avant le bleu comme unique couleur de l’autisme, c’est renvoyer à la fois à des présupposés sexistes et validistes.

En réaction, des associations d’auto-représentation* de personnes autistes ont proposé le rouge, et/ou la couleur « or », à la fois pour représenter la flamboyance et la valeur intrinsèque des personnes autistes, et par jeu de mots sur l’abréviation en chimie de l’élément « or » (« Au », comme le début du mot Autisme). 

On peut aussi mettre en avant les couleurs de l’arc-en-ciel, à la fois utilisées pour représenter la diversité que représente la neurodiversité*, et adoptées par les luttes LGBT+* ainsi que pour le drapeau de la paix. Ou, de manière générale, les couleurs que vous voulez et que vous préférez : et si c’est le bleu qui vous plaît en tant que personne autiste, c’est très bien aussi !

Exit la pièce de puzzle, approprions-nous le symbole infini

Pourquoi une pièce de puzzle pour représenter l’autisme ? En anglais, puzzle signifie plus largement casse-tête, mystère, énigme. On peut être « puzzled », c’est-à-dire déconcerté, troublé, perplexe. Quelqu’un ou quelque chose qui est « puzzling », c’est quelqu’un ou quelque chose qui est déconcertant et inexplicable.
C’est donc ça que ça veut dire : pour le regard externe, non-autiste, normé et pathologisant, l’autisme est un mystère et les personnes autistes sont déconcertantes, bizarres et impénétrables. En français, on peut comprendre ce symbole comme l’idée qu’il « manque une case » aux personnes autistes.

Et, bien sûr, ce symbole a été proposé et diffusé par des associations (Autism Speaks, encore) qui nuisent aux personnes autistes et font la promotion de « thérapies » maltraitantes et de traitements inefficaces et dangereux qui visent à éradiquer l’autisme. D’ailleurs, le premier logo utilisant la pièce de puzzle représentait un petit garçon en larmes à l’intérieur de la pièce : l’autisme, cette tragédie incompréhensible qui frappe les enfants.

Cela dit, certaines personnes autistes diagnostiquées tardivement se sentent intuitivement attirées par le symbole « pièce de puzzle », parce que ça correspond à leur ressenti face au diagnostic. Comprendre qu’on est autiste et tout réinterpréter sous le prisme de l’autisme, c’est comme avoir la pièce manquante du puzzle qui permet de tout remettre en place, voir l’image complète, et donner un sens à son vécu. Et puis, beaucoup d’autistes aiment les puzzles ! Est-ce qu’une réappropriation et re-signification du symbole de la pièce de puzzle finira par prendre le dessus ? Il est trop tôt pour le dire. Pour l’instant, le recours au symbole puzzle indique surtout une approche dépolitisée voire nocive de la question de l’autisme – surtout aux États-Unis, où il existe un traumatisme communautaire beaucoup plus large.

Les militantEs autistes utilisent plutôt le symbole infini – un huit couché – , en couleurs arc-en-ciel pour représenter la neurodiversité*, couleur or pour représenter l’autisme. Ça représente et célèbre l’infinité des variations et différences entre nous, et plus généralement entre tous les cerveaux. On peut aussi adopter d’autres symboles revendicateurs d’une identité au-delà de l’autisme, par exemple les couleurs et symboles de la Mad Pride, ou le tournesol comme symbole de handicap* invisible. Ou encore inventer nos propres symboles et représentations imagées : c’est le moment par exemple de sortir des représentations de stimming* (mains en mouvement, images de stimtoys) et des mascottes d’animaux et personnages auxquels les personnes autistes s’identifient !

Au-delà de l’action symbolique

Quelles que soient les couleurs, les symboles et les visuels que l’on relaie sur les réseaux sociaux et dont on drape sa photo de profil… si ça en reste là, la vie des personnes autistes n’est pas prête de s’améliorer. Tu es toi-même autiste et ça te fait du bien d’afficher telle couleur, symbole ou slogan en avril sur tes réseaux sociaux, ou d’épingler des badges sur ta veste ? Très bien !

Mais les responsables politiques qui se soucient davantage d’illuminer des bâtiments publics en bleu que d’écouter nos revendications, soutenir nos initiatives et changer les politiques d’égalité, ça ne nous apporte rien de bon. Non, on ne va pas applaudir parce que des grosses instances qui ont du pouvoir et de l’argent, ou même notre entourage non-autiste, changent la couleur de quelque chose un jour dans l’année, sans rien faire de concret et de bénéfique pour nos vies.

Qui a la parole ?

On ne dit pas que les parents et proches de personnes autistes ne peuvent pas s’exprimer sur leur vécu, les joies comme les difficultés qu’iels rencontrent à vivre aux côtés d’une personne autiste. Et si ces réseaux sont sains dans leur façon d’appréhender l’autisme, c’est même très important de proposer une communauté et un espace d’échange ! Des parents informés, soutenus et écoutés pourront elleux aussi mieux soutenir leur enfant autiste. Mais les voix de personnes non-autistes restent encore trop majoritaires : les autistes devraient être sur le devant de la scène pour les questions qui les concernent. 

Pour le 2 avril comme pour le reste de l’année, si vous n’êtes pas autiste et que vous voulez participer à soutenir notre cause, commencez par regarder QUI a produit tel post, article, vidéo que vous partagez. Cherchez les créateurices de contenu autistes et les associations d’auto-représentation, likez leurs posts, partagez, citez-les, rémunérez-les si vous en avez les moyens. Vous pouvez commencer par vous inspirer de notre liste de liens utiles !
Sur Twitter et Instagram, un hashtag spécifique permet de distinguer le contenu sur l’autisme produit par des personnes autistes elles-mêmes : #actuallyautistic.

Le manque de diversité des témoignages et des personnes visibilisées

Même quand on relaie du contenu produit par des personnes autistes elles-mêmes, on peut vite se rendre compte que les profils se ressemblent tous… Quelques personnes autistes dominent le champ médiatique et les réseaux sociaux, et ce sont généralement des personnes blanches, et correspondant à une certaine idée qu’on se fait de l’autisme, et/ou mises en avant pour des talents extraordinaires et rémunérateurs. Les personnes autistes non-verbales*, racisées, autrement handicapées ou malades chroniques, queer*, grosses… existent aussi, et s’expriment – parfois différemment. Mais on les voit moins.

Alors, vous, essayez de chercher plus loin et vous confronter à d’autres réalités. Comprenez qu’il y a véritablement une grande diversité parmi les personnes autistes, et que vivre avec d’autres identités et d’autres conditions que juste l’autisme est plutôt la règle que l’exception. Prenez conscience que les expériences d’autistes les plus relayées dans les médias et sur les réseaux sociaux ne représentent qu’une petite partie des autistes.

Sur Instagram, le hashtag #autizzy a été lancé pour distinguer et visibiliser les personnes autistes racisées. Dans la sphère francophone, il existe encore peu de contenu visible de la part de personnes autistes qui s’éloignent des normes dominantes.

Sensibiliser à l’autisme, ou sensibiliser au validisme* ?

Informer sur l’existence des personnes autistes et les fonctionnements neurologiques différents des personnes autistes, c’est bien, mais ça ne sert pas à grand-chose si les structures sociales ne changent pas. Les violences que vivent les personnes qui divergent de la norme neurotypique et valide ne sont pas qu’une question de préjugés et d’ignorance : il s’agit d’une oppression systémique, autrement dit des violences et discriminations autorisées voire encouragées par la manière dont est organisée notre société. Et les oppressions systémiques, ça se combat en exigeant des changements politiques !Or la conversation sur l’autisme en avril oublie souvent  de replacer nos difficultés et celles des proches de personnes autistes dans leur contexte social et politique – nous y reviendrons dans un prochain article.

D’ailleurs, certainEs autistes militantEs proposent de parler de jour ou mois d’acceptation de l’autisme, plutôt que de sensibilisation. Et des auto-représentantEs autistes ont même proposé d’autres journées de visibilité et célébration de l’autisme, comme la journée internationale du stimming !

Pour finir, n’oubliez pas que la sensibilisation à l’autisme et l’acceptation de l’autisme… ça devrait être toute l’année, et sur tous les sujets. Les personnes autistes font partie de la société et devraient être pensées dans tous les sujets (ceci est valable pour tout groupe de personnes marginalisé).

Alors pas de stress si vous avez manqué la date : vous avez tous les autres jours de l’année pour nous soutenir et contribuer à visibiliser notre communauté.


Un autre article à lire pour compléter votre savoir et nos revendications ? On vous recommande celui du CLE Autiste (France), « 2 avril : acceptation de l’autisme et rappel aux allié.es« , qui n’a pas vieilli depuis 2021.

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