« Je me reconnais dans beaucoup de témoignages que je lis. Pourtant je ne comprends pas. Je n’ai pas l’impression d’avoir tant de mal à sociabiliser. J’arrive à regarder les gens dans les yeux. Il n’y a aucun domaine dans lequel je suis expertE. J’ai un diplôme, j’ai fondé une famille, j’ai le permis. Si j’étais vraiment autiste, je n’aurais jamais pu réussir tout ça. Puis mes proches ou mes professeurs l’auraient forcément vu… »
Ces réflexions, une grande majorité des personnes en questionnement les ont eues lorsqu’elles ont commencé à se renseigner sur l’autisme. Car dans l’imaginaire collectif, l’autisme est encore un grand mot, considéré comme quelque chose de grave, ou au moins de très visible. Ces clichés viennent de diverses représentations que l’on peut retrouver dans les médias :
- Dans les films ou séries, où les personnes autistes sont souvent des hommes blancs, dépeints comme bizarres, asociaux ou grands génies incompris.
- Dans les reportages, où on retrouve majoritairement l’image de l’enfant en pleine crise autistique, et quasi systématiquement du point de vue de sa famille.
Forcément, quand on ne se retrouve dans aucun de ces deux schémas, difficile de mettre le terme d' »autisme » sur nous. On se sent illégitime, on ne veut pas voler la place d’autres personnes qui, elles, « sont vraiment dans le besoin ». Autant dire que cela retarde d’autant plus la prise en charge des personnes qui se sont découvertes autistes à l’âge adulte.
D’où notre volonté de présenter quelques idées reçues sur l’autisme à combattre dès à présent, pour éviter de perpétuer les représentations imparfaites et les idées erronées.
L’autisme est une maladie
Qu’est-ce qu’on entend quand on dit “maladie” ? L’autisme désigne la manière dont notre cerveau fonctionne, on naît autiste, on meurt autiste, ça teinte toutes nos expériences de vie. Il n’y a pas de « personne normale » dissimulée sous la carapace de l’autisme, et il n’y a rien à rien “guérir”: juste apprendre à vivre au mieux avec ce fonctionnement. Mais l’autisme dans cette société inadaptée peut constituer un handicap.
L’autisme s’attrape
Non, ni les écrans, ni les vaccins, ni les mauvais parents provoqueraient l’autisme. Toutes les études convergent vers le fait que l’autisme est d’origine génétique et présent dès la naissance, bien que les premières observations ne peuvent s’évaluer qu’après quelques mois, voire quelques années de vie.
L’autisme se voit forcément
Non, ou en tous cas, pas au premier coup d’œil ! Parfois, par manque d’information, l’entourage classifie les comportements autistiques sur le dos de la timidité, de la maladresse, de l’impolitesse, d’une mauvaise éducation. Souvent, les gens perçoivent tout de même que l’on est “différentE”, rapidement ou à la longue, mais sans forcément pouvoir l’expliquer. C’est pour ça que beaucoup d’adultes non-diagnostiquéEs et dont on dit qu’iels n’ont pas “l’air autiste” ont tout de même vécu l’exclusion ou le harcèlement.
Une personne autiste est forcément asociale
Non. On confond souvent difficultés sociales et manque de motivation sociale. Il existe des personnes autistes qui ne désirent que peu voire pas de contacts sociaux ; mais la plupart désirent des contacts sociaux et peuvent être découragées très tôt par le rejet et l’incompréhension. Si les difficultés sociales sont fréquentes, certaines personnes autistes parviennent cependant très bien à entretenir une vie sociale riche. Notamment si elle bénéficie d’un environnement où ses bizarreries sont bien accueillies, ou si les interactions sociales font partie de ses intérêts spécifiques.
Il existe aussi des personnes autistes extraverties, et des personnes autistes qui ont besoin de beaucoup de vie sociale !
Une personne autiste préfère rester seule
De nouveau, cela dépend fortement d’une personne à l’autre. Beaucoup aiment le calme, ou se ressourcer à des endroits où elles ne sont pas obligées de masquer, ou bien où les stimulations sensorielles sont moins agressives. Beaucoup ont besoin de temps de repos après des interactions sociales, et apprécient leur propre compagnie. Mais d’autres apprécient les contacts sociaux, même si cela doit être de courte durée ou d’une façon perçue comme non-conventionnelle. Par exemple, Moon aime beaucoup rendre visite à sa famille, mais participera rarement aux conversations, car l’ambiance et la présence des autres lui suffit à se sentir bien. Par ailleurs, beaucoup d’autistes préféreront la communication à l’écrit (via des chats ou des forums, ou en différé par mails et écrits sur un blog) qu’à l’oral. Mais l’intérêt social est rarement totalement absent.
Une personne autiste est forcément un génie dans un domaine
Non. Les représentations médiatiques ont contribué à créer cette figure de l’autiste investi dans un seul domaine et aux capacités exceptionnelles – souvent dans des domaines scientifiques. Ce qu’on appelle le “syndrome du génie” peut se présenter plus souvent dans la population autiste, mais dans la majorité des cas, les personnes autistes n’ont pas de capacités extraordinaires.
Cela dit, les aptitudes des personnes autistes peuvent être très inégales et contrastées, et le fait d’avoir des intérêts spécifiques peut mener à développer une expertise ou de grandes compétences en un domaine. Mais les intérêts spécifiques ne transforment pas magiquement une personne autiste en génie.
Il peut arriver qu’on n’ait pas d’intérêt spécifique persistant, qu’on l’investisse sans que ça mène à une expertise… ou que les intérêts spécifiques soient tellement aléatoires qu’ils ne peuvent “servir” à rien ! Personne n’est jamais devenu célèbre en citant de mémoire les quelque mille Pokémon existants…
Une personne autiste est d’office soit moins, soit plus intelligente que la moyenne
Non. La répartition du Q.I. – une mesure standard de certains types d’intelligence – est la même dans la population autiste que dans la population générale.
Cependant, les tests pour mesurer le Q.I. ne sont pas forcément adaptés aux personnes autistes, et peuvent amener à sous-estimer les capacités de certaines personnes autistes. Par ailleurs, beaucoup de personnes autistes ont des pics de compétences dans un domaine et des résultats inégaux aux tests de Q.I. – par exemple, on peut avoir d’excellentes aptitudes verbales mais de grosses difficultés dans le domaine visuo-spatial, ou l’inverse.
L’autisme touche plus les garçons que les filles
Non, ou en tout cas ça n’a jamais été démontré. Ce qui est vrai, c’est que les garçons sont actuellement plus diagnostiqués que les filles (environ 4 garçons pour 1 fille). Mais plus les recherches avancent, plus on remarque que c’est parce que les filles passent plus facilement entre les mailles du filet : d’une part parce qu’à la différence des garçons, on les éduque à s’adapter et se fondre dans la masse, et d’autre part parce que les biais médicaux eux-mêmes empêchent de reconnaître l’autisme chez les filles. Si on est persuadé que l’autisme est une condition masculine, on le reconnaîtra moins bien chez une fille !
Les personnes autistes ne sont pas autonomes
Oui et non, et tout dépend comme l’on définit l’autonomie. Selon les lacunes et cooccurrences (TDAH, troubles dys, accès à l’expression verbale orale, etc.), ainsi que selon l’éducation reçue, il existe différents niveaux d’autonomie. Certaines personnes autistes peuvent très bien vivre de manière tout à fait autonomes, tandis que d’autres auront besoin d’un accompagnement même pour certains gestes basiques du quotidien, comme se nourrir ou se laver.
Oui enfin, iel n’a rien à voir avec ces enfants qui se frappent la tête sur les murs
L’autisme au quotidien n’est pas fait que de crises. Premièrement, il n’est pas pertinent de comparer un enfant, qui ne sait pas encore comment réguler les surcharges sensorielles, d’une personne adulte qui, avec l’expérience, peut avoir trouvé des moyens de compenser ses difficultés.
Deuxièmement… il existe des adultes autistes qui font des crises, et oui, aussi des crises où l’on se frappe. Le fait de traverser des meltdowns violents n’est pas incompatible avec le fait d’être unE adulte qui a “l’air normal” la plupart du temps.
Enfin, des adultes qui semblent autonomes et lisses ont parfois été des enfants autistes non-verbaux ou avec beaucoup de difficultés de comportement. Les trajectoires de développement ne sont pas toutes prévisibles, et les difficultés peuvent se présenter dans différents domaines : on peut avoir un travail qualifié mais ne pas savoir se faire à manger ; on peut tenir une conversation avec une relative aisance mais avoir des spécificités sensorielles telles qu’on ne supporte pas la plupart des vêtements et de la nourriture ; on peut avoir besoin de plusieurs jours de repos total pour se remettre d’une sortie ; on peut avoir l’air d’une personne autiste qui n’a pas beaucoup de difficultés pratiques et sociales, mais souffrir d’une très mauvaise santé mentale.
Les difficultés rencontrées sont diverses ; comparer n’est pas très utile, juger sans connaître est nocif.
Les personnes autistes ne comprennent pas le second degré
Encore une fois, cela varie d’une personne à l’autre. Si la compréhension de l’implicite et du second degré fait partie des difficultés courantes pour les personnes autistes, certaines personnes autistes développent justement, comme mécanisme d’adaptation, un excellent sens de l’humour et de fines capacités de décryptage du discours des autres.
Les personnes autistes manquent d’empathie
En fait, c’est plutôt que nous n’avons pas la même notion d’empathie. Une personne alliste se dit empathique quand elle calque ses réactions sur l’état d’esprit actuel de son interlocuteur, ce qu’on a souvent du mal à discerner. Mais ce n’est pas pour ça que nous sommes sans cœur ! C’est même l’inverse : on peut facilement éponger toute la tristesse d’une personne qui pleure en face de nous et nous sentir mal pour le reste de la journée, mais sans savoir comment montrer notre empathie. De même, nous pouvons aussi démontrer notre empathie par le fait de ne pas rire quand notre groupe se moque de la situation de quelqu’un.
On peut distinguer l’empathie émotionnelle (ressentir par contagion les émotions d’autrui) de l’empathie cognitive (comprendre les émotions, pensées et intentions d’autrui), qui pose plus de difficultés à des personnes autistes… face à des personnes qu’elles ne connaissent pas et qui ne fonctionnent pas comme elles. Les études ont montré que les personnes allistes n’étaient majoritairement pas non plus capables de détecter les émotions chez les personnes autistes et d’y répondre de manière appropriée. Il s’agit ainsi plutôt d’un problème de double empathie, plutôt que de déficit d’empathie de la part des autistes.
Une personne autiste est forcément seule, célibataire et sans enfants
Non.
Une personne qui se découvre autiste à l’âge adulte n’a pas besoin d’aide
On pourrait croire qu’après 20 ans, 30 ans, 50 ans ou plus à avoir vécu comme une personne neurotypique, cela signifie que la personne a réussi à bien s’adapter à la société et n’a donc pas besoin d’aide. Or, c’est tout à fait faux, car même si le diagnostic peut parfois être très tardif, une personne autiste qui s’ignore remarque quand même sa différence. On retrouve d’ailleurs souvent des cas de dépression, d’anxiété, de troubles du comportement alimentaire, ou encore des burn out à répétition, dus à la sensation de ne pas arriver à s’adapter à la société malgré tous les efforts du monde. On peut souffrir d’un syndrome de stress post-traumatique complexe à force d’avoir dû cacher son autisme. On peut perdre en capacités après avoir surcompensé pendant des années et traversé un burnout autistique, et avoir besoin de davantage de soutien quotidien à 40 ans qu’à 15 ans. Le parcours et les besoins d’une personne autiste ne sont pas forcément linéaires et égaux.
Se découvrir autiste, c’est avant tout mieux comprendre son fonctionnement et savoir quelles adaptations mettre en place dans sa vie pour éviter que ces troubles adjacents persistent ou s’aggravent.
Une seule visite chez unE psy suffit pour savoir si je suis autiste
Non. L’autisme ne peut pas se déterminer sur une seule séance d’une heure. Il faut a minima être évaluéE sur plusieurs aspects de notre fonctionnement et de notre vie. Et encore, il est vivement conseillé de recouper plusieurs observations pour valider l’éventualité de l’autisme. Quant au diagnostic final, il ne peut être certifié que par unE psychiatre ou médecin.
Il est possible cependant de reconnaître rapidement certains signes d’autisme chez quelqu’unE, que ce soit par unE psy spécialiséE, ou par des pairs. L’avis des adelphes autistes peut notamment conforter sur la voie de l’auto-diagnostic et aider à réfléchir sur soi.
Pour davantage de réponses aux idées reçues sur l’autisme, nous vous invitons à consulter ces articles :
https://autistiquement.home.blog/2020/02/26/5-idees-recues-sur-lautisme/
https://autistiquement.home.blog/2020/05/18/autisme-5-autres-idees-recues-a-oublier-durgence/
Vidéo de Julie Dachez « Autisme et syndrome d’Asperger : idées reçues et préjugés » : https://www.youtube.com/watch?v=C5DZc6bldBg
Vidéo d’Alistair : « Autisme, maladie ou pas maladie ? » : https://www.youtube.com/watch?v=pn00HbX-ik0
Ou consulter notre page de liens utiles pour davantage d’informations !